Miles Davis on « Autumn Leaves » – Cannonball Adderley « Somethin’ Else »

Découvrez la transcription du solo de Miles Davis sur le standard de jazz « Autumn Leaves ». Titre enregistré en 1958 pour l’album Somethin’ Else de Cannonball Adderley pour le label Blue Note.


Somethin’ Else

L’album Somethin’ Else est l’un des rares où Miles Davis apparaît en tant que sideman à cette période. On y retrouve également le batteur Art Blakey. Accompagnateur reconnu depuis le début des années 50, Blakey était également un leader très actif. Il sera à l’origine des Jazz Messengers avec qui il enregistrera des dizaines d’albums.

Sam Jones est un contrebassiste habitué familier de Cannonball. Il était déjà présent sur ses trois précédents albums enregistrés pour le label Emarcy.

Le pianiste Hank Jones (sans lien de parenté avec Sam) est de dix ans l’aîné de Cannonball. Il fait donc ici figure de vétéran avec une très riche carrière aussi bien en sideman qu’en leader. On le retrouve depuis l’après-guerre, aussi bien aux côtés de ses “aînés” (Lester, Young, Coleman Hawkins),qu’avec la jeune garde du jazz de l’époque (Art Farmer, Donald Byrd…)…

Somethin’ Else est le seul enregistrement de Julian « Cannonball » Adderley pour Blue Note. Label pour lequel Miles Davis et Art Blakey avaient eux déjà publié plusieurs albums.

Miles Davis on « Autumn Leaves » : invité de luxe

Certaines rumeurs évoquent une session organisée par Miles Davis. Elle aurait été publiée sous le nom de Cannonball Adderley pour des raisons contractuelles. En effet, Miles y tient une place importante : fréquentes exposition du thème ou premier soliste sur certains titres. Son nom figure également en bonne place sur la couverture.

Cette ambiguïté est renforcée par le choix des titres. “Love For Sale”, “Autumn Leaves” faisaient partie du répertoire régulier Miles à cette même période. L’ordre des solos et les arrangements évoquent également fortement certains enregistrements contemporains de Miles Davis (Milestones, Kind Of Blue). On peut y entendre l’inspiration du trio de Ahmad Jamal souvent ouvertement revendiquée par Miles à cette période.

Miles ne manquait pas d’exprimer son admiration et son attachement à Cannonball qu’il avait découvert dès 1955. Ce dernier avait refusé une première invitation à se joindre au groupe de Miles Davis, en remplacement de Sonny Rollins. Il était alors engagé dans un poste d’enseignant en Floride. Miles avait donc fait appel, sans trop de conviction, à John Coltrane recommandé par son batteur « Philly » Joe Jones. Ce tandem deviendra rapidement la ligne de front d’un quintet historique. Miles et Coltrane seront rejoints par Cannonball en 1958, l’année de l’enregistrement de Somethin’ Else.

Milestones

Quelques jours plus tôt, le sextet de Miles Davis venait d’enregistrer Milestones. Troisième album d’une longue collaboration avec le label Columbia qui sortira la même année que Somethin’ Else. On y retrouve l’association de Coltrane, introverti et avant-gardiste, et d’Adderley, jovial et héritier de Charlie Parker. Ce choix était complètement assumé par Miles qui avait un don pour réunir des groupes exceptionnelles . 

Miles Davis - Milestones (Official Audio)
Miles Davis – Milestones (Official Audio)

L’alchimie de ce sextet atteindra son apogée avec l’album l’incontournable Kind of Blue enregistré en 1959 pour Columbia. L’un des albums les plus vendus de l’histoire du jazz réunissant Cannonball Adderley, John Coltrane, Bill Evans, Wynton Kelly, Paul Chambers, et Jimmy Cobb.

Miles Davis - Freddie Freeloader (Official Audio)
Miles Davis – Freddie Freeloader (Audio)

Le contrat d’exclusivité signé entre Miles Davis et Columbia quelques années plus tôt étant de notoriété publique. La rumeur d’une session d’enregistrement de Miles publiée sous le nom de Cannonball Adderley pour des raisons contractuelles paraît donc incertaine. L’hypothèse de l’implication généreuse de Miles en tant que “directeur artistique” et sideman de luxe qui paraît la plus probable.

Miles Davis & Art Blakey : LEGACY

Le rôle important tenu par des sidemen dans des enregistrements ou formations régulières est très fréquent dans le jazz. 

Mile Davis et Art Blakey ont ainsi propulsé la carrière musicale d’un grand nombre de musiciens. Des artistes comme John Coltrane, Bill Evans, Wayne Shorter, Herbie Hancock, Freddie Hubbard sont devenus à leur tour des leaders influents. Ils ont ainsi perpétué leur héritage et entretenu cette filiation artistique depuis plus de plus de soixante ans.

Ces sessions d’enregistrements ponctuelles sont particulièrement emblématiques des années 50 et 60. Les obligations contractuelles des musiciens et leur nombreuses opportunités de rencontres étaient fréquemment immortalisées sur des albums souvent réalisés en une seule journée ! C’est pourquoi des enregistrements de formations similaires sont publiées sous souvent des noms ou labels distincts.

L’album Cannonball Adderley Quintet in Chicago en est un exemple emblématique. On y retrouve tous les musiciens qui participeront à la séance historique de Kind of Blue (excepté Bill Evans). Album mythique enregistré seulement quelques semaines plus tard.

Grand Central · Cannonball Adderley Quintet

Il s’agit donc ici en quelque sorte d’un enregistrement du groupe de Miles Davis sans son leader et publié sous le nom de Cannonball. Il aurait pu tout autant être publié le nom de John Coltrane et sera d’ailleurs réédité quelques années plus tard sous le titre plus vendeur de Cannonball & Coltrane.

Cannonball Adderley & John Coltrane - Wabash
Cannonball Adderley & John Coltrane – Wabash


Somethin’ Else : Miles Davis improvisation on « Autumn Leaves »

Miles construit son improvisation sur deux structures harmoniques complètes. Soixante quatre mesures où l’on retrouve toutes les caractéristiques du langage musical du grand trompettiste.

Une sonorité unique, un placement rythmique de « félin », à la fois cool et incisif. Un timbre et une intonation proche de la voix et du chant. Un choix des notes à la fois évident et sophistiqué.

Un solo qui n’a pas pris une ride plus de soixante après son enregistrement, dans la lignée de « Freddie Freeloader » et « Someday My Prince Will Come » .


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Solo Transcription – Miles Davis – Autumn-Leaves - C instruments

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Miles Davis : phrasé

Miles utilise très fréquemment des silences et respirations qu’il insère dans de longues phrases. Ce mode de jeu volontairement “cool”, parfois décrit comme poétique ou impressionniste contrastait parfaitement avec celui des ses saxophonistes. John Coltrane et Cannonball Adderley ont eux un jeu beaucoup plus dense et leurs sonorités puissantes et énergiques. Miles exploitera cette complémentarité jusqu’à la fin de sa carrière. Il s’entourera fréquemment de saxophonistes virtuoses, novateurs et inspirés (Wayne Shorter, Dave Liebman, Steve Grossman, Bob Berg, Kenny Garrett…).



Cannonball est un soliste fougueux et ultra expressif, consideré comme un héritier de Charlie Parker. Il utilise un langage issu du bebop et du blues contraste parfaitement avec celui de Miles Davis. Son phrasé est plus « dense » et complexe, utilisant principalement en débits resserrés de triolets et doubles croches. Miles, lui, privilégie un débit rythmique plus large. Ses phrases sont principalement constituées de débits de noires ou de croches. Construites le plus souvent sur des cycles harmoniques de huit mesures.

Ce parti-pris « cool » totalement assumé par Miles Davis lui permet de relancer une ambiance plus calme qui sera conservée jusqu’à la fin du morceau.

Les cinq musiciens concluent ce titre par une longue coda développée sur le même schéma que l’introduction. Un ostinato en sol mineur de l’introduction devenu historique construit sur l’arpège de G-6 (sol/ sib bémol/ ré/ mi).

Intonation

Phrasant le plus souvent dans un registre médium, Mile réserve la note la plus aiguë à mi parcours de son solo et la note la plus grave pour conclure son improvisation.

L’utilisation de la sourdine Harmon, très souvent utilisée par Miles, ajoute un côté mélancolique à l’interprétation de ce grand standard. L’un des titres les plus joués, enregistrés et étudiés dans toute l’histoire du music hall et du jazz.

À lire : l’analyse de Autumn Leaves, l’un des rares standards “non americain”. Un texte en anglais écrit par le musicologue Philippe Beaudoin.


Autumn Leaves : mélodie

Les mélodies de Miles restent le plus souvent dans l’harmonie. On remarque une utilisation fréquente des arpèges et notes conjointes issues des gammes de la tonalité. Miles utilise également de nombreuses résolutions sur des notes riches comme les sixtes ou neuvièmes. Ces notes, appelées aussi parfois « extensions harmoniques » sont à la fois stables et colorées et permettent à Miles de jouer sur les contrastes. Il conclut ainsi son solo sur un l’une des notes les moins “riches harmoniquement ». Un Ré joué dans un registre médium grave, qui est aussi la quinte de l’accord de tonique.


BONNE ÉCOUTE & BON JEU ! ____________________ENJOY & HAVE FUN !